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Un samedi matin

C’est presque devenu une habitude, le samedi matin, au marché. Se lever tôt pour faire ses courses avant la foule. Tôt, parce que c’est l’heure où tout va bien. Personne n’est pressé, les commerçants s’installent en prenant le café et on a le temps d’échanger trois mots, écouter les conversations alentours. « Les tomates ne poussent pas assez vite, cette année… Essayez ça madame Vignard, vous prenez toujours la même choses : il faut changer un peu… Tenez monsieur Cairon, je vous ai gardé ces roses de Ronsard, les préférées de votre femme. »

On attrape au passage des recettes, des idées, des riens du tout. Derrière leurs étals, les commerçants connaissent tout le monde, prennent des nouvelles des enfants, des maris, des petits fils. Ils ne se trompent presque jamais. La semaine dernière, l’une d’elles fondait en larmes au dessus de ses olives en apprenant le décès d’un client qui venait là tous les samedis.

Il y a, entre les allées de poivrons, de charcuterie et de fromages, une humanité qu’on ne trouve plus nulle part ailleurs. Les personnes âgées, souvent, y font provision de légumes et de conversation. C’est un peu plus cher qu’ailleurs? Peut-être, pas sûr. Sans compter cette notion qui change tout dans le prix des choses : les pommes de terres, ici, sont le fruit du travail de celui qui vous les vend. C’est lui qui se penche dessus pour les faire pousser, les arracher, vous les servir. D’ailleurs, les légumes ont leur nom : les tomates-cerise de Monsieur Turgis, les fraises de Thomas… Leur prix, forcément, se calcule d’une toute autre façon. Les laisser périr deviendrait sacrilège.

Venir tôt le matin au marché c’est aussi prendre le temps. Avoir une grande matinée devant soi. Petit déjeuner sur le pouce d’une barquette de fraises, prendre conscience d’une belle lumière, perdre son temps aussi, prendre quelques photos et progresser peut-être, l’air de rien… Le samedi matin, j’ai toujours l’impression que ce sont quelques heures pendant lesquelles on peut devenir meilleur.

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