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La vérité sur cette petite fille

Vous vous souvenez de ce billet, ce « petit dialogue avec mon moi de quand j’avais 9 ans » qui parle du piano ? Je l’ai relu, il y a quelques jours. Sans y faire attention, je vous livrais à ce moment-là l’une des grandes clefs qui m’ont conduite à me sentir plus heureuse, dans ma vie quotidienne, et que j’emploie depuis longtemps déjà : remonter le temps et converser avec mon « moi du passé ». Aujourd’hui, j’ai envie de vous raconter comment s’est déroulée cette toute première rencontre (spoiler alert : pas bien du tout).

Comme plein de gens, j’ai tendance à me montrer particulièrement dure avec moi-même. Si je suis parfaitement honnête, il me semble même avec le recul avoir passé des années à ça : tout faire pour me punir d’être comme j’étais, sans en avoir seulement conscience. Et c’est bien ça le pire. Souvent, on ne se rend pas compte. On s’attribue une identité que l’on tient pour vraie, et l’on se convainc que la vie est comme ça et c’est tout. Qu’il faut faire avec ce qu’on est et tant pis si cette distribution des cartes semble nous condamner à une vie moyennement palpitante.

Et vous, vous en êtes où dans 
cette conversation avec-vous-même?
Pour ça, il n’y a pas à chercher très loin. Si vous êtes du genre à vous dire : « Oui, enfin moi je suis moche (paresseuse, égoïste, inconstante, colérique… ça marche avec n’importe quoi), c’est un FAIT, pas une mauvaise appréciation des choses ». Alors vous avez probablement tendance à vous administrer facilement (perpétuellement?) des remontrances… et à faire de votre cohabitation avec vous-même un parcours pas toujours super harmonieux.

Un jour, quelqu’un m’a proposé de m’imaginer face à moi-même et lui dire quelle était ma réaction à chaud. Ma réaction? Oh là là… le simple fait de le raconter aujourd’hui me fait encore rougir. Ce jour-là, j’ai bafouillé quelque chose d’incohérent, incapable de dire ce que je ressentais vraiment, tant cette vérité me déstabilisait : face à moi-même, je baissais les yeux. Une boule dans la gorge, des fourmis dans les jambes, je regardais ailleurs. Morte de honte, j’avais juste envie de me barrer en courant.

Mais au moins j’avais été fixée sur un point : moi et moi, on ne s’entendait pas.

Et vous, ça vous fait quel effet,
lorsque vous vous visualisez en face de vous ?

Si vous ne savez pas comment vous y prendre : il suffit de fermer les yeux et vous imaginer face à vous même. Ou bien de vous placer devant un miroir (ça ne fonctionne pas pour moi, mais pour d’autres, c’est le chemin le plus facile et le plus rapide). Observez la personne qui se trouve en face de vous. Que vous inspire-t-elle? Avez-vous envie de lui parler? De la serrer dans vos bras? De vous détourner? De lui arracher les yeux?
Je précise évidemment que les résultats de cet exercice peuvent changer d’un jour sur l’autre : il est évident que si vous venez de vivre un douloureux échec ou un moment de pur bonheur, votre impression sera sensiblement différente. Ainsi, je vous invite à choisir un moment relativement « neutre » pour obtenir l’impression la plus proche de ce que vous ressentez en général.

Cette expérience, pour désagréable qu’elle fut, m’a aussi conduite à ce constat – pourtant évident : si moi, je ressentais toutes ces émotion négatives en m’observant, comment pouvais-je espérer un instant que qui que ce soit ait envie de voir les choses différemment? Pire : comment pouvais-je croire, apprécier ou seulement accepter que quiconque me dise quelque chose d’aimable? D’ailleurs effectivement, s’il prenait à quelqu’un l’idée de le faire, je ne pouvais pas m’empêcher de rétorquer mentalement un « ouais ouais » dubitatif, soupçonneux et énervé. Ainsi, en me coupant comme je le faisais de moi-même, je me coupais aussi des autres.

Bon, j’avais compris qu’il y avait un os à cet endroit-là. Mais comment allais-je m’y prendre pour changer ça? Eh bien visiblement pas de la bonne manière. En tout cas au début.

Faute d’une meilleure idée, j’ai refait cet exercice des dizaines de fois, espérant qu’un jour j’allais me sourire à moi-même. En me martelant des pensées positives, des petits mantra à base de « je mérite ce qu’il y a de mieux », « je suis parfaite comme je suis », « je suis gentille », bref, tout ce qu’on nous suggère à longueur de journée – et qui fonctionne d’ailleurs dans une certaine mesure, mais dans ce cas précis, c’était loin d’être suffisant. Et, si je connaissais de brefs moment d’harmonie, une vilaine petite voix reprenait très vite les choses en main à base de « non t’es pas merveilleuse, tu ne mérites pas ce qu’il y’a de mieux parce que que tu n’es pas ce qu’il y a de mieux» et autres douceurs approchantes.

Puis un soir, je ne sais pas par quel miracle j’ai changé ma manière de faire : plutôt que chercher à visualiser la femme adulte en moi, je suis remontée dans le temps et j’ai pensé à mon moi enfant. Juste pour essayer de voir ce qui allait se passer.

Sans surprise, voilà l’image qui s’est imposée à mon esprit ce jour-là : je voyais mon Anne-Solange de neuf ans assise dans un petit coin sombre. Et mon Anne-Solange de neuf ans sanglotait.

Une part de moi se souvenait de l’enfant rieuse, enthousiaste, sans complexes, amusée et curieuse de tout que j’ai été. Une gamine pleine de vie, de joie, d’appétit de tout. Et il y avait dans mon coeur, en ce moment même, cette même petite fille qui pleurait toutes les larmes de son corps.

Je n’ai même pas eu besoin de me demander pourquoi était-elle dans cet état. La réponse m’est apparue avec la brutalité d’un coup de poing : je passais ma vie à dire à cette petite : « t’es moche », « tu n’arriveras jamais à rien », « t’as pas honte? », « n’espère même pas… », « vraiment, tu imaginais y arriver? »… En vingt ans, peut-être davantage, cette enfant n’avait pas reçu UN SEUL mot gentil.

Immédiatement, instinctivement, je n’ai eu qu’une pensée : la secourir, la consoler… la prendre dans mes bras. Je n’ai pas eu besoin de réfléchir : je suis allée vers elle et je lui ai dit qu’elle ne devait pas s’inquiéter et que tout allait bien. Je lui ai demandé pardon, pardon, pardon, je ne voulais pas ça. Si j’avais su… Mon Dieu, je me sentais si profondément désolée. Sans réfléchir, je lui ai dit « s’il te plait, cesse de pleurer, c’est fini tout ça, je t’assure. Ce sera différent à présent. Je t’aime tellement, tellement ». 

Et j’ai découvert que c’était vrai. Je l’aimais.

Voilà comment, à travers cette image mentale de mon moi enfant, en quelques secondes, s’est ouvert le début d’un chemin vers une perception différente et apaisée de moi-même.

Depuis ce jour (qui ne date pas d’hier), j’ai très souvent recours à cette image. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus tendre, aussi bien avec moi qu’avec elle. Il n’empêche : elle, la petite Anne-Solange de neuf ans, il m’est toujours plus facile de prendre en considération ses besoins, ses peurs ou ses attentes. Quand elle se casse la margoulette, j’ai envie de lui tendre la main ; lorsqu’elle n’y arrive pas : je ne pense qu’à l’encourager ; si elle réussit quelque chose : célébrer son succès… En fait, j’ai envie de faire pour elle ce que je fais pour n’importe quelle personne pour qui j’ai de l’affection.

Pour convoquer votre enfant intérieur, rien de sorcier
il suffit d’un peu d’imagination
Vous pouvez vous installer dans un endroit calme et fermer les yeux pour vous concentrer sur l’enfant que vous étiez. Si c’est difficile (je ne me rends pas vraiment compte, je fais ça de manière automatique, depuis le temps), vous pouvez vous aider d’une photo de vous quand vous étiez petit ou bien d’un souvenir précis. N’importe quoi qui vous aide à ressentir l’enfant que vous étiez.

Petit aparté à ce sujet : savez-vous que votre esprit ne sait pas vraiment faire la différence entre les images que vous lui envoyez par l’entremise de votre imagination, et les images « réelles » qu’il reçoit de vos yeux. Ainsi, si vous vous concentrez sur un souvenir précis, votre esprit va tout simplement s’y rendre. Vous avez probablement vécu cela alors que vous vous remémoriez un souvenir fort en émotion, en constatant que tout était intact : votre corps avait senti exactement les émotions vécues à ce moment-là. Oui, aussi incroyable que ça puisse paraître : on peut tout à fait voyager dans le temps. 

Ainsi, ma petite fille intérieure (qui, je crois, n’a pas grand chose à voir avec l’enfant intérieur tel que le décrit la psychanalyse), sait toujours me dire où j’en suis. Si elle ne se sent pas bien, je n’ai jamais à chercher très longtemps l’origine du problème dans ma vie quotidienne. Il me semble que l’on peut comparer cela avec ce qui se passe parfois chez les enfants. Quand par exemple Mathilde, la petite fille de ma meilleure amie, cinq ans au compteur, lui disait début septembre : « Doudou-Chaussette, il a peur de la rentrée tu sais, maman » alors qu’elle même prétendait – en toute bonne foi – qu’elle était impatiente de retrouver le chemin de l’école.

À la différence de la petite Mathilde, je peux pratiquer cet exercice en toute conscience et l’utiliser comme outil : c’est l’avantage d’être à la fois l’adulte et l’enfant dans ce dialogue intérieur. Et de fait, je retire toujours nombre d’enseignements, lors de ces conversations avec mon petit moi.

Autre chose, que je peux vous dire, si vous avez envie de vous essayer, vous aussi, à cette expérience (et j’espère que vous allez avoir envie d’essayer) : généralement, ça ne ressemble pas tant que ça à un dialogue. Je laisse venir à moi une image et c’est cette image qui me donne des informations. Si votre expérience est différente, n’hésitez pas à la partager dans les commentaires, je suppose qu’il y a de nombreuses manières d’accéder à tout cela.

Parfois, mon enfant intérieure surgit sans que je lui ait demandé quoi que ce soit : c’est généralement le cas lorsque je m’amuse, que je suis très heureuse d’accomplir une tâche et que je ne vois pas le temps passer ou encore comme avec l’histoire du piano, que je réussis quelque chose après m’être entraînée beaucoup, longtemps et que je prends tout à coup conscience du chemin parcouru.

Il arrive aussi qu’elle me tourne le dos, qu’elle pique une colère, qu’elle s’ennuie. Bref, c’est comme si grâce à elle je parvenais à ôter les différents filtres de pensée qui m’empêchent de toucher du doigt ce qui se passe vraiment en moi.

Dit autrement : elle m’aide à reconnaître mes émotions sans les juger. Il m’est bien plus facile par exemple d’identifier que cette petite fille « est jalouse de », ou « se sent exclue de » ou « a honte de » que de me dire spontanément, sans qu’intervienne mon juge intérieur pour me taper sur les doigts : « Je suis jalouse de… », « je me sens exclue de… » ou « j’ai honte de… ». Parce que j’éprouve pour elle une vraie tendresse, elle m’aide infiniment à constater, sans prendre parti ce qui est visiblement la réponse à l’essentiel de nos tourments intérieurs. Enfin, comme vous le savez : il est bien plus facile de corriger un problème quand on en a identifié la source.

Voici tout le travail que nous accomplissons ensemble, elle et moi, depuis des années. Et je dois dire qu’on forme une bonne équipe. Ensemble, nous avons appris énormément de choses. Alors j’espère que vous aussi, vous vous donnez – ou vous allez vous donner – la chance  de le connaître, cet enfant à l’intérieur de vous, qui a tant de choses passionnantes à vous dire.

13 réflexions sur “La vérité sur cette petite fille”

  1. Merci Anne-Solange, ton article est un vrai délice, quel plaisir de te lire.

    Instinctivement, je faisais déjà régulièrement ce petit voyage dans le temps – quand on a eu une enfance un peu cabossée, cela fait aussi du bien de voyager dans le temps pour aller serrer très fort la petite fille au fond de soi pour la réconforter. Et j’essaie aussi de voyager vers le futur en accompagnant mes garçons. Je les regarde se construire des souvenirs et explorer la vie, essayant d’instiller empathie et sérénité pour continuer leur voyage sans bagages trop lourds à porter.

  2. J’ai beaucoup apprécié ton partage d’expérience. Moi c’est grâce à mon psy que j’ai établit une relation proche avec mon enfant intérieure. Il ne m’a rien demandé de faire, mais un jour, je me souviens très bien que j’étais en train de raconter que même si on me laissait seule parfois le soir, ce n’était pas si dramatique, je finissais par m’endormir et que ce n’était pas si grave car je m’adaptais. Il m’a dit mais vous vous rendez compte de ce que vous dites ! Pensez à l’enfant que vous étiez. Est ce que que l’enfant que vous étiez ressentait la même chose, est-ce qu’elle n’avait pas peur dans cette solitude sans ses parents. Et là je me suis vue petite, j’ai re-ressenti toutes les émotions que je ressentais enfant quand je me rendais compte que j’étais seule la nuit, et j’ai également ressenti une immense compassion pour elle, j’avais aussi envie de la prendre dans mes bras et de lui dire c’est fini, tu n’es plus seule ! D’aillleurs en sortant de la séance j’ai beaucoup pleuré car j’ai compris que j’avais été très dure et très exigeante par la suite avec moi-même. Peut-être justement pare qu’on avait attendu de moi que je sois autonome très tôt. Depuis, pareil que toi quand quelque chose ne va pas, je sais que bien souvent ça fait écho avec des émotions vécues par cette petite fille. Et je me reconnecte à elle, pour savoir comment faire. Parfois juste la rassurer, lui apporter de l’amour me fait un bien immense. Plus jamais je ne serai dure avec elle (ni avec moi )mais douce et compréhensive ! D’ailleurs je voulais écrire un article à ce sujet, dire que pour développer une véritable empathie envers les autres, il faut d’abord arriver à l’éprouver pour soi !

    1. Bon ben moi ça me fait pleurer , et l’article et la réponse de Marjoliemaman dont je me sens proche parce qu’elle se décrit comme pleurant facilement, et moi ben pareil . Je suis en plein travail sur moi en ce moment, je me fais aider mais purée c’est dur dur, c’est de voir les difficultés de mon petit de 5 ans qui m’ont fait remonter ,… je ne sais pas trop quoi d’ailleurs. .. Je crois qu’Anne So a raison peut être faut il être plus empathique avec soi même pour être bien avec les autres, j’essaie , c’est difficile … D’ailleurs j’ai lu la formidable BD  » émotions enquête et mode d’emploi » qui a mis des mots sur bien des choses que je vis , et mettre des mots, comme le fait si bien Anne Solange c’est déjà prendre de la distance, du recul , et voir un peu mieux les choses ….

  3. Je me suis prêtée aux jeux de me retrouver face à moi-même et à la petite fille que j’étais, ça m’a beaucoup émue, ça m’a fait beaucoup de bien. Merci d’avoir partagé ton expérience !

  4. Bam, je réalise que le billet « piano » a plus d’un an, et que nous n’avons toujours pas cherché de solution.
    Hu hu ^^.

  5. J’ai fait ce chemin aussi il y a quelques temps,
    moi c’est la kinésiologie qui m’y a amenée, en douceur, sans jugement et surtout, surtout, il y a toujours eu un équilibrage énergétique pour rétablir dans mon corps les nouvelles vérités de ma vie.
    Donc maintenant non seulement je me suis pardonnée, mais je ressens jusque dans mes veines la sincérité et le bénéfice de cet acte.
    A vivre chacun à sa façon, pour la paix en soi et autour de soi.

  6. tres bel ecrit….. j’en ai les larmes aux yeux. c’est un chemin que je dois faire mais qui me fait terriblement peur…. alors, j’y vais par minuscules touches….. difficile que d’oter cete petite voix qui me dit que je suis nulle….
    allez, je vais essayer!

  7. C’est marrant cet article.
    Il y a quelques années je faisais mes études et j’étais dans une période tristounette. Je suis allée dans un magasin de phytothérapie en espérant trouver de quoi aider mon sommeil, et en discutant avec la dame de la boutique j’ai réalisé la même chose que toi… En effet, cette dame me disait que lorsqu’on grandissait, il fallait apprendre à prendre soin de soi, car plus personne n’était là pour le faire, pour nous consoler, nous prendre dans les bras, nous écouter. Qu’il fallait le faire de la même manière qu’on le fait pour sa meilleure amie, ses proches. Parce qu’on était la seule personne à être toujours là pour nous, tout au long de notre vie. Ca m’a beaucoup aidé, et c’es très souvent que je me remémore tout ça !
    Je n’avais pas pensé à « pousser » comme tu l’expliques, pour parvenir à mieux se comprendre, c’est plus une façon de m’inspirer juste à l’idée. Mais ça me tente et je vais essayer !

  8. J’ai lu un livre comme ça, dans l’idée de parler à ses démons intérieurs… les visualiser face à soi, leur demander ce qu’ils veulent, puis se mettre à leur place (sur une chaise en face) et répondre. Puis revenir à soi. Ca marche hyper bien. Mais ce n’est pas facile! (non, ne me mettez pas dans un asile!)

  9. j’ai déjà essayé de dialoguer avec la « sabrina » qui a 10 ans … cette sabrina avec qui j’ai beaucoup de mal et j’avoue que c’est tres difficile du coup j’ai laissé tomber

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