fbpx

journal

La méthode INFAILLIBLE pour TOUT réussir.

N’avez-vous pas, vous aussi, l’impression que nous vivons dans un monde qui prétend nous permettre de développer n’importe quelle compétence en 10 minutes par jour et 30 exercices faciles ? À en croire les livres, les magazines, les experts de tous poils… il existerait une méthode INFAILLIBLE pour TOUT réussir sans se fouler dans n’importe quelle discipline : apprendre à écrire des romans, courir un marathon, changer de vie, être heureux… je vous mets au défi de trouver un domaine dans lequel il ne s’est encore trouvé personne pour nous proposer une « méthode »*.

Avec les méthodes, j’ai pourtant ce rapport très ambigu. Elles m’agacent parce qu’elles se jouent effrontément de notre (fausse) naïveté en nous laissant entendre qu’il suffirait de découvrir le truc, d’être mis dans la confidence pour réussir tout ce que nous désirons entreprendre et nous bercent avec aplomb dans l’illusion de la facilité, mensonge auquel nous aimons faire semblant de croire le temps de la lecture. Et elles me séduisent immensément… pour les mêmes raisons : je suis toujours cette enfant dont les yeux brillaient quand tonton Marcel, mon grand oncle, me révélait enfin les mystères du tour de cartes avec lequel il venait de m’éblouir du haut de son grand âge.

Ce sentiment du « secret révélé ».

Il existe un domaine où ce frémissement magique se produit presque systématiquement : les méthodes de dessin, plus particulièrement celles qui se proposent de nous apprendre à dessiner n’importe quel sujet en « quelques étapes simples » et dont on peut dire que j’ai accumulé, au fil des ans, une véritable petite collection sans doute parce que le désir de savoir dessiner me semble universel.

C’est aussi plus ou moins ce que dit Marie-Elizabeth Cavé dans l’avant propos de l’abrégé de son ouvrage Dessiner sans maître. Pour apprendre à dessiner juste et de mémoire paru en 1850 et dont la méthode, est-il écrit sur la couverture, fut approuvée par des artistes aussi renommés que Ingres ou Delacroix (soit dit en passant, ses amis)  : 

Je me suis souvent demandé pourquoi l’art de dessiner, l’art de reproduire les objets par le dessin, comme on reproduit sa pensée en écrivant, n’est pas aussi commun que l’art d’écrire. — Il n’est cependant pas moins nécessaire. — On peut affirmer qu’il n’est pas d’homme du monde qui n’ait mille fois regretté de ne pas savoir dessiner, soit qu’il ait eu à faire construire une maison, confectionner un meuble, tracer un jardin, soit qu’il ait voulu conserver le souvenir d’un site, d’un édifice remarquable ou de quelque objet d’art. »

Et puis, les méthodes de dessin ont cette particularité (par rapport à d’autres thèmes plus terre à terre comme « le secret pour arrêter de fumer sans efforts ») : leur charge poétique souvent indiscutable nous aide à pardonner la petite truanderie dont nombre d’entre eux se rendent coupables et qui ne saurait être mieux illustrée que par ce célèbre dessin de Van Oktop, à mourir de rire.

Pourtant, on peut en apprendre, de jolies choses…

En ce qui me concerne, c’est ce livre au graphisme très ancré dans son époque, Dessinons les animaux du zoo de l’illustrateurs Erich Hölle, qui a mis le feu aux poudres alors que je venais d’avoir trois ans. L’ouvrage, qui n’est plus disponible à la vente depuis bon nombre d’années, est consultable dans son intégralité sur le site Manuels Anciens.

Autre pépite de ma collection : celui de l’auteur chinois Yen Lu Chen Apprendre à peindre paru chez Belin en 2006 et dont les illustrations en trois coups de pinceaux m’enchantent (d’autant plus que le résultat, après avoir essayé, est très convaincant). Le dessin pas à pas de la petite hirondelle, ci-dessous, provient de ce livre qui, hélas, n’est plus édité.

 

Plus récemment, j’ai adoré celui de Julie Adore intitulé Doodling créatif, qui se propose essentiellement de nous apprendre à dessiner des fleurs et celui de l’illustratrice japonaise Miyatachika Tout dessiner comme par magie pour ses dessins joyeux, pleins de couleurs et utilisant différentes techniques.

En préparant cette lettre, je me suis aperçue que l’engouement pour ces livres qui se proposent de nous apprendre à dessiner facilement en quelques traits était loin d’être le fait de notre époque, contrairement à ce que je pensais.

Vous pouvez par exemple commencer à apprendre à dessiner dès ce soir avec Edwin Georges Lutz dont le nom ne vous dira peut-être rien, mais qui fut un auteur prolifique et l’homme dont on dit que Walt Disney apprit les bases de son métier d’animateur de film, grâce à son livre Animated Cartoons (1920). Ses livres What to draw et how to draw it, et Drawing made easy, disponibles intégralement sur Public Domain Review ont probablement inspiré bon nombre d’auteurs (et d’éditeurs). On y apprend à dessiner mille choses : une feuille de chêne et son gland, une plante suspendue, un aquarium, une poupée, un bateau, des pensées…

 

Encore plus impressionnant peut-être, la Leçon de dessin par la décomposition géométrique du célèbre peintre japonais Hokusaï (La grande vague de Kanagawa, c’est lui) qui décompose différentes scènes avec la grâce propre au trait japonais et donne cette impression d’une divine facilité d’exécution. assez trompeuse, si vous voulez mon avis, mais d’une émouvante beauté.


Mais la véritable question, vous demandez-vous peut-être, n’est-elle pas de savoir si oui ou non, ces livres sont capables de nous apprendre le dessin aussi facilement qu’ils le prétendent ? À ce sujet, je ne saurais dire mieux que ce qu’écrit le philosophe Ollivier Pourriol dans son essai Facile paru il y a quelques jours chez Michel Lafon : 

Les idées appartiennent à ceux qui les comprennent, et les méthodes à ceux qui s’en servent. »

Ollivier Pourriol expose ici les vertus de la facilité dans un texte joyeux, sensé et plein d’humour. J’aurai probablement envie de vous en reparler très bientôt, mais en attendant, vous pouvez écouter l’excellent numéro de l’émission « Grand bien vous fasse » dont il était l’invité il y a quelques jours.

Je retourne à présent à mes petits croquis pas à pas ! Mais avant de vous quitter, bienvenue à toutes celles et ceux qui ont rejoint Pochette Surprise cette semaine**. Merci aussi à vous, qui suivez peut-être cette aventure depuis le début, qui venez de la découvrir ou qui partagez cette lettre auprès de vos amis, de votre communauté. Merci aussi pour vos messages. Vous avez fait de mes jeudis les journées les plus exaltantes et les plus riches de ma semaine. Merci d’être ici.

Je vous souhaite une belle fin de semaine et à jeudi prochain !

Anne-Solange

Vous aimez les Pochettes Surprises ? 
Recevez des surprises tous les jeudis par mail

[thrive_leads id='17551']

« Pochette Surprise » est une newsletter gratuite, envoyée tous les jeudis. Une fois inscrit.e, vous avez à tout moment la possibilité de vous désabonner  et/ou vous réabonner.

Pour aller plus loin voici les livres et articles dont il est question ici

☞ On peut consulter l’abrégé de la méthode Cavé pour apprendre à dessiner juste et de mémoire sur Gallica. Le livre de Marie-Elizabeth Cavé est paru en 1850, elle avait alors une quarantaine d’années et sa fiche Wikipédia me donne très envie d’en savoir davantage sur elle.

☞ Dessinons les animaux du Zoo, le livre de Erich Hölle paru chez Nathan dans les années 70 fait partie de toute une collection illustrée par différents artistes : dessinons les autos, dessinons des personnages, amusons-nous à dessiner, dessinons des animaux (Anne Davidow)… Les livres ne sont plus édités aujourd’hui. On peut en trouver des copies en ligne sur le site Manuels anciens (Dessinons les animaux du zoo) et Dessin O Primaire (Dessinons des personnages).

☞ Peut-être connaissez-vous le travail de l’artiste franco-russe Julie Adore via son compte Instagram. Doodling créatif, une méthode pour apprendre à dessiner des fleurs est son premier livre et une vraie réussite : toutes les personnes absolument débutantes en dessin et manquant cruellement de confiance en elles ont été bluffées par leur capacité à réaliser si rapidement et si facilement de jolis dessin. Si vous êtes persuadé.e que vous êtes « nul.le » et que les fleurs sont un thème qui vous plait, n’hésitez pas un instant.

☞ Apprendre à peindre, de Yen-Lu Chen. Ce petit livre est une véritable pépite, éditée en 2006 par les éditions Belin, dont la commercialisation a malheureusement cessé. Je vous laisse cependant l’illustration de couverture et le lien Amazon au cas où l’envie de le chiner vous prendrait. Il propose une cinquantaine de dessin à réaliser au pinceau en quelques traits seulement. C’est une belle initiation à une manière de peindre et un style qui, en France, ne nous sont pas familiers.

☞ Voilà sans aucun doute un des chouchous de ma petite collection de livres de dessin pas à pas. Tout dessiner comme par magie est l’oeuvre de l’artiste japonaise Myatachika qui raconte avoir créé ce livre à la demande d’une de ses amies qui exprimait sa frustration de ne pouvoir dessiner correctement ce que sont enfant lui demandait parfois de représenter. Cette idée à elle seule me fait fondre. Et j’adore la construction du livre, très dense, mais très ludique. Je m’amuse très souvent à choisir une page au hasard et m’inspirer de ses dessins.

☞ Vous pouvez consulter gratuitement et dans leur intégralité les deux livres de Lutz What to draw et how to draw it, et Drawing made easy sur le site Public Domain Review. Les deux sont aussi beaux l’un que l’autre et je ne doute pas un instant que vous trouviez matière à vous amuser. Il me semble que « What to draw et how to draw it » est plus facile pour commencer, si vous n’avez aucune expérience du dessin.

☞ La Leçon de dessin par la décomposition géométrique du célèbre peintre japonais Hokusaï se décompose en plusieurs ouvrages disponibles en consultation sur Gallica (voir la colonne de droite sur la page en lien). Même si vous ne pouvez pas lire les explications qui sont, je pense, en japonais, les scans sont de toute beauté et il n’est pas impossible que vous passiez des heures à les admirer.

☞ Je n’ai pas encore tout à fait fini de lire l’essai d’Ollivier Pourriol, Facile, mais je peux tout de même vous dire que je l’adore. Le sujet (un sorte d’éloge de la facilité, si l’on peut dire), le ton et l’humour du philosophe sont plein de charme, même si le propos, lui, est bien moins léger qu’il n’y paraît, comme vous pouvez l’imaginer. Je suis emballée par ma lecture, truffée d’exemples et de références de toute sorte et impatiente de vous en reparler bientôt.

* Les liens marqués d’une étoile font partie d’un programme d’affiliation.
Retour en haut